Chères Amies Cavalières et Chers Amis Cavaliers,

avec une équipe de cavaliers motivés par l'équitation française, j'ai lancé sur internet le manifeste que vous avez signé. Je vous en remercie.
L'objectif principal est de constituer et de rendre visible une communauté de cavaliers dispersés et à la recherche de repères tangibles par rapport à l'inscription de l'Équitation de tradition française sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO et par rapport à cette équitation.
Voilà qui est chose faite puisque notre communauté compte à peu près deux cents personnes ainsi que des associations (ce qui augmente encore ce chiffre). Elle est représentative et a acquis ainsi un certain poids vis-à-vis des instances qui ont à gérer le dossier « Unesco » depuis l'inscription de novembre 2011. L'Unesco accepte de dialoguer avec toute communauté constituée à partir de la reconnaissance d'une pratique traditionnelle inscrite au Patrimoine culturel immatériel et ces communautés peuvent être multiples. Elles ont en charge la sauvegarde par la transmission mais aussi elles doivent faire vivre leur propre communauté.
Quel est mon rôle dans cette affaire ?

Début 2008, j'ai été chargé, (en tant que responsable du centre de documentation), par le directeur de l'Ecole nationale d'Equitation de l'époque, Jacques Thiollat, de m'occuper de l'élaboration du dossier d'inscription. Cela s'est fait en trois étapes. Un premier dossier a été déposé auprès du Ministère de la culture et de la communication l'été 2008. Sur la recommandation du responsable des dossiers, nous avons demandé une inscription sur la liste de sauvegarde urgente qui était la voie la plus rapide et la plus sure. L'idée développée était de dire que si rien n'était fait dans les prochains dix ans, l'équitation française risquait de disparaître sous l'effet de la normalisation des pratiques conséquente au développement de la compétition qui est elle-même créatrice de nouvelles normes et exigences techniques. Déclarer que les écuyers du cadre Noir étaient la communauté la plus représentative de l'équitation française, c'était aussi une façon de leur assurer une protection supplémentaire vis-à-vis des aléas administratifs. C'est ce dossier qui a permis l'inscription de l'équitation française sur la liste représentative du patrimoine français. La deuxième étape a commencé ensuite à la nomination de Robert d'Artois à la tête de l'ENE. J'ai alors créé, avec son accord et sous son autorité, une commission qui a travaillé jusqu'au début de l'année 2011 sur un deuxième dossier en vue de l'inscription cette fois-ci sur la liste représentative, de façon à ne pas indiquer qu'il pourrait y avoir menace sur le Cadre Noir. De plus, l'Unesco ne labellise pas une institution mais reconnait la valeur universelle d'une pratique. Le dossier terminé, une réécriture en a été faite en 2011 en dehors de la commission mais sans modification des principaux thèmes développés, c'est-à-dire :

  • l'équitation française se caractérise par une relation au cheval fondée sur la douceur dans l'emploi des aides et dans les procédés de dressage ;
  • L'équitation française se caractérise par quatre grands courants (Équitation Ancienne, l'École de d'Auvergne, le Daurisme et le Bauchérisme). Elle est multiple et il ne peut donc être question de faire des exclusives entre des pratiques différentes mais respectueuses du cheval. Cela suppose la tolérance entre cavaliers et le respect des uns et des autres.


L'Association pour la Culture et les Traditions équestres de France (ACTEF) est l'organe qui permet d'organiser votre contribution à l'effort de sauvegarde des traditions équestres françaises en privilégiant les équitations sans point d'appui sur la main.

Je prends cette affaire très à cœur et je fais appel à vous tous et vous propose de nous réunir en 2016 autour du concept de défense et de sauvegarde.
Si vous le pouvez, je vous invite à participer aux prochaines rencontres de l'équitation de tradition française qui se tiennent à Saumur les 15 et 16 octobre prochains, afin que la voix de tout un chacun se fasse entendre et qu'un dialogue constructif s'engage entre les partisans de l'équitation sans appui et les autres.
J'y présenterai le vendredi 16 à 12h mon cheval Katiki sur le thème suivant :

Éducation du cheval d'après les principes de la Nouvelle équitation à la française


Patrice Franchet d'Espèrey, ancien écuyer du Cadre Noir


Katiki, pur-sang anglais né en 1997, fut en course le crack de sa génération. Difficile à l'entrainement comme sur la ligne de départ, sa carrière fut interrompue par une interdiction de course. Grâce à Nicolas Blondeau qui s'était occupé à réguler ses comportements, il se retrouva dans l'écurie du général Durand qui le fit donner à l'ENE à mon intention. Voilà maintenant neuf années que ce cheval est devenu pour moi un sujet d'étude et de remise en question. Sa nervosité et son excitabilité m'obligèrent à revoir peu à peu la technique issue du bauchérisme de la deuxième manière qui m'a été transmise par René Bacharach, fidèle disciple d'Etienne Beudant.
Ma technique repose désormais sur un principe nouveau que je surajoute à ceux du bauchérisme (le bauchérisme, c'est l'innovation permanente). Ce principe peut se comparer à celui de l'Aïkido et consiste à suivre, accompagner et amplifier les mouvements naturels et nécessaires de la locomotion du cheval, en particulier ceux de la nuque dont le rôle est de diriger toute la machine animale.

Il se conjugue avec, d'une part, l'éducation du cheval au « mouvement passif », qui est un mouvement imprimé à une ou plusieurs parties du corps du cheval sans susciter de mouvement réflexe en sens inverse, ce qui revient à abandonner le principe de l'action et de la réaction, et, d'autre part, avec la conservation de la neutralité de sa bouche à la mobilité jamais demandée mais spontanément accordée. Le cavalier, aux actions de main qui, par petites touches exclusivement réservées à la commissure des lèvres, s'inscrivent dans l'accompagnement, n'entre pas en conflit avec lui.

Cette équitation respecte la physiologie du cheval dans sa globalité avec une attention particulière à celle de la bouche et renonce ainsi à l'idée que l'on puisse fixer la tête du cheval  soit à l'aide d'un enrênement, soit par la fixité de la main,  soit en opposant résistance à résistance comme le préconisait Baucher, soit par des flexions forcées.

N'étant pas inhibé dans ses comportements et mouvements, le cheval s'apaise et, dans un relâchement musculaire sans tension, livre ses forces.  Une nouvelle forme de relation s'établit ainsi entre les deux individus dans la douceur et le respect.

Cette manière de procéder s'inscrit donc dans la tradition équestre française.

                     Patrice Franchet d'Espèrey