Le nombre élevé de participants aux secondes Rencontres de l'Equitation de Tradition Française a permis de confirmer l'intérêt des milieux équestres pour ces pratiques fondées sur l'harmonie de la relation au cheval ; en même temps, la popularité croissante des procédés d'exécution construits à partir de la douceur a su gagner du terrain sur les habitudes dépassées de coercition. Cela est bien.

Que, parmi les chevaux et jeunes cavaliers sélectionnés pour illustrer la thématique du rassembler, très rares aient été ceux qui auront su produire quelque amorce de rassembler ne doit pas nous étonner ; le rassembler est une attitude finale et non un moyen à disposition du cheval en cours d'éducation. En revanche, la qualité des enseignements délivrés pendant ces séances de recherche est indiscutable. Et la première observation est l'avancée notoire du comportement de la plupart des "élèves-cobayes" lors de leur seconde leçon magistrale. Pas plus de rassembler que la veille, certes ; mais une cohésion accrue au sein des couples, une exécution plus fluide, plus douce, plus juste, de nature à laisser à ces jeunes cavaliers un ressenti qu'à coup sûr ils tenteront de retrouver dans l'intimité du couple revenu à son lieu d'entraînement habituel.

Cette positivité éminente marque l'ensemble de l'événement. Il y a cependant lieu de ne pas jubiler en raison d'autres observations faites à l'occasion de ces deux journées de travail en commun. Si je suis un ardent partisan des échanges internationaux dans tous les domaines de l'activité humaine, je ne suis pas persuadé que le débauchage de personnalités venues d'ailleurs pour nous apprendre les rudiments de l'éducation équine de base ou ceux de l'emploi du cheval dans la droite logique de l'échelle de progression d'essence germanique soient des solutions souhaitables pour l'essence bien française, ou du moins latine, de notre équitation de tradition. Certes, la tradition ne saurait se figer sur des acquis définitifs ; elle doit être accommodée à l'air du temps ; elle doit se ressourcer à la modernité. Mais elle doit conserver son identité et ne pas se compromettre pour satisfaire à je ne sais quel goût d'exotisme. Il nous appartient d'y veiller ; avec une certaine jalousie ; et avec le refus absolu de toute humiliation à travers des habitudes équestres qui nous seraient étrangères. Nulle xénophobie dans mes propos ; seulement le ressenti intense de la vraie valeur de notre tradition équestre propre ; seulement le questionnement objectif portant sur les raisons profondes de la dégradation, que j'espère toute provisoire, de notre équitation française et de son enseignement.

Je veux demeurer résolument optimiste. Je veux croire en la totale sincérité des organisateurs de ces Rencontres. En leur absolue détermination à transmettre ce qui nous a été légué de mieux en matière équestre ; et à le transmettre en le régénérant sans le dénaturer, car il est vrai que, comme le rappelait le tout dernier intervenant : aucun art, aucune science ne sont jamais achevés. Continuons donc à chercher, comme Baucher nous en faisait injonction ; et poursuivons notre quête sans nous laisser abattre par la peur de nous tromper.

Monter à cheval, c'est d'abord monter... haut, le plus haut possible. En tous les cas, au-dessus des contingences immédiates. N'en déplaise aux timorés!

Bernard Mathié