actefpetit

L'équitation et, de manière plus générale, l'emploi du cheval revêtent de multiples formes, chasse, guerre, portage, traction. Cette diversité se manifeste de façon exceptionnelle et sur tous les plans.

Domestiqué en Asie centrale dès la plus Haute Antiquité, le cheval aurait été importé en Chine, en Asie occidentale, en Europe et en Afrique, lors des migrations des pasteurs nomades. La première représentation d'un cavalier nous vient de Crète au IIe millénaire av. J.-C. Les Hyksos introduisent le cheval en Égypte vers 1730 avant notre ère. Au IXe siècle, les Hittites sont les maîtres de la charrerie.

Au VIIe siècle av. J.-C. apparaissent les cavaliers archers assyriens – ce sont les débuts modestes de la cavalerie –, et les cavaliers scythes, nomades des steppes du nord ; au IIIe siècle, le cavalier celte de l'Europe orientale ; au IIe siècle le cavalier indien, le cavalier numide qui dirigeait son cheval avec un simple collier-frein. À la fi n de l'Antiquité, au IVe siècle après J.-C., les cavaliers-archers sassanides, successeurs immédiats des Parthes, ont atteint la perfection de l'équitation sans étriers. Ainsi, au cours de toute l'Antiquité, l'homme a inventé peu à peu l'équitation afin d'utiliser le cheval à la chasse et surtout au combat. Deux problèmes étaient à résoudre : tenir fermement sur le cheval et le conduire. Il fallut inventer le harnachement, selle à étrier et mors ; au début du Moyen Âge, les Perses sassanides les transmirent au peuple arabe.

Trois peuples sédentaires de l'Antiquité firent des efforts d'adaptation du cheval à la guerre : les Chinois, les Grecs et les Romains. Les Grecs nous intéressent particulièrement. Périclès, au Ve siècle av. J.-C., porta à mille le corps de cent cavaliers institué à Athènes par Solon au siècle précédent. Nous y voyons apparaître deux spécialistes nécessaires à toute société sédentaire, deux spécialistes qui existent encore aujourd'hui, le marchand de chevaux et le maître écuyer . Le premier a nom Simon d'Athènes ; il vend des chevaux prêts à l'emploi à ses concitoyens plutôt ignorants des choses de l'art. Le second, Xénophon , décrit le beau et bon cheval, comment l'acheter, l'entretenir et le dresser dans la perspective de la guerre et de la parade militaire. C'est le premier maître européen de l'équitation.

Frise Ouest du Parthénon

Frise Ouest du Parthénon

Au cours des quatre cents dernières années, c'est en France que la pratique et la théorie de l'équitation savante atteignent leur plus complet développement. Force est de reconnaître que la richesse, l'abondance et la diversité de cette littérature n'ont d'équivalent nulle part ailleurs ni dans aucun autre domaine.

Cette équitation savante prend son essor en France lorsque le vainqueur de Marignan découvre que, dans l'Italie civilisée de 1515, avoir des rênes « plein les mains », avec ce qui est appelé aujourd'hui par euphémisme un « contact léger », est regardé comme une survivance des siècles barbares. Du XVIe au XXe siècle, quatre grands courants se succèdent : « l'ancienne équitation » issue de l'équitation italienne du XVIe siècle dont l'apogée est marquée au XVIIIe siècle par l'École de Versailles, l'École de D'Auvergne ou première équitation militaire, le bauchérisme qui culmine avec la « deuxième manière » dans la seconde moitié du XIXe siècle, enfin le Daurisme ou seconde équitation militaire, « équitation instinctive régularisée » qui, à l'origine de l'équitation sportive contemporaine, marque une discontinuité par rapport aux précédents courants.

Grisone , premier écuyer des temps modernes

Au XVIe siècle, l'Académie de Naples acquiert une réputation telle que les écuyers de l'Europe entière viennent y chercher la connaissance d'un art nouveau. Naples se situait au carrefour de plusieurs traditions. Passée sous le contrôle des Byzantins peu de temps après la chute de l'Empire romain d'Occident, elle conservait l'héritage de l'Antiquité, en particulier l'héritage grec. Puis le royaume de Naples et Sicile est conquis par les Angevins avant de tomber au XVe siècle sous la domination aragonaise.

L'Espagne y importe le concurrent direct du Napolitano, le cheval ibérique, et l'équitation « à la genète », équitation de combat individuel élaborée au cours de la reconquête sur les Arabes. Le genetaire (du mot jinéta, lance courte portée par la cavalerie légère) protégé par une armure légère, savait tirer avantage des qualités de vitesse et de maniabilité de son merveilleux cheval, le genet. Il pratique des attaques toutes de rapidité au contraire des chevaliers du reste de l'Europe qui misent sur la puissance de choc. 

Par ailleurs, en Espagne et au Portugal, les tournois comportent des combats contre le taureau. Dès le XIIIe siècle, ces combats en champ clos sont codifiés et deviennent le rendez-vous de l'aristocratie qui y fait assaut de vaillance et d'apparat. Abandonnant peu à peu les armures, elle y pratique une équitation fondée sur le mépris du danger, sur la vélocité et la maniabilité du cheval. Le chevalier torée de près et s'entraîne ainsi à une forme de combat qui exige la maîtrise complète d'un cheval soumis aux arrêts et aux départs instantanés comme aux airs d'école. Ces airs d'école prennent d'autant plus de valeur qu'ils paraissent a priori inutiles face à la menace constante d'un animal d'une demi-tonne.

Torni per cavallo

 

Premier écuyer des Temps modernes, Grisone tire parti de cette évolution qu'il nous livre en 1550 dans son traité, L'Écuirie de Fed. Grison.Son cheval est soumis au manège de guerre, destiné au combat rapproché. Il répète dans un fossé dont le tracé enseigne à l'animal ses futures allées et venues sur l'ennemi, la fi gure que l'on nomme « passade ».
Le cheval est ensuite orienté vers les exercices de manège qui développent des sauts d'école . Leur apprentissage commence par des « pesades » dans lesquelles le cheval s'assoit sur les hanches, suivis de quelques ruades. La suite de ce dressage consiste à faire sauter le cheval en « capriole ». Enfi n, des « courbettes » défi nies comme des « pesadeshautes » se font en avançant, sur place, en arrière, de côté. Cette équitation allie le spectaculaire au nécessaire.

Fiaschi, l'équitation par la main seule
Son cheval est soumis au manège de guerre, destiné au combat rapproché. Il répète dans un fossé dont le tracé enseigne à l'animal ses futures allées et venues sur l'ennemi, la figure que l'on nomme « passade ».
Le cheval est ensuite orienté vers les exercices de manège qui développent des sauts d'école . Leur apprentissage commence par des « pesades » dans lesquelles le cheval s'assoit sur les hanches, suivis de quelques ruades. La suite de ce dressage consiste à faire sauter le cheval en « capriole ». Enfin, des « courbettes » défi nies comme des « pesades hautes » se font en avançant, sur place, en arrière, de côté. Cette équitation allie le spectaculaire au nécessaire.

Césare Fiaschi , gentilhomme de Ferrare, est contemporain de Grisone . C'est dans la ville de Ferrare, devenue sous les Este un très important foyer de culture, qu'il fonde en 1534 une académie. La première édition de son Traité de la manière de bien embrider, manier et ferrer les chevaux (1556) est « tournée en français » en 1564. La dédicace de l'édition italienne est adressée au roi de France Henri II. Passionnés de la nouvelle équitation, les derniers Valois l'adaptent aux besoins des carrousels et ballets de chevaux qu'ils substituent progressivement aux tournois après l'accident mortel de Henri II en juin 1559. François Ier et ses descendants montaient de splendides andalous dans un style élégant, avec un naturel et une discrétion qu'on ne retrouvera plus dans les portraits des rois de France. Assis sur des caparaçons brodés (de fleurs de lis naturellement), ils montent pratiquement sans jambes, sans contact direct avec les flancs de l'animal.

Henri IILes portraits équestres des Valois conservés au Louvre et au musée Condé de Chantilly plaident donc en faveur de l'équitation italienne, et semblent traduire en image les intentions de Fiaschi dont le traité contient déjà le « ramener », fondement de toute « vertu » et seule attitude qui permette de piquer l'ennemi de l'épée ou de la lance. Nous trouvons aussi le principe de la rectitude, le rassembler qui permet d'asseoir le cheval, l'idée que l'emploi de la douceur permet de développer la force et le courage des chevaux, la légèreté aux aides qu'il symbolise par le port d'une plume en place de la gaule. Ce dernier principe culminera dans la « descente de main », procédé propre à l'équitation française qui entend ainsi donner l'illusion aux spectateurs que le cheval manie de lui-même. Rappelons enfin que Fiaschi a introduit dans son traité des notations musicales pour tenter de restituer à l'image quelque chose du mouvement du cheval et du cavalier, la notion de cadence.

Pignatelli , aboutissement de l'équitation italienne

Giambattista Pignatelli , gentilhomme napolitain né vers 1525, appartient à la nouvelle génération d'écuyers formés à l'école des Grisone et des Fiaschi . On considère qu'il marque l'aboutissement de l'équitation italienne d'où sortirent les fondateurs des écoles de l'Europe entière. La Broue, qui admirait son savoir, s'était mis à son école parce qu'il rendait les chevaux obéissants et maniait justement et de si beaux airs sans se servir d'autre mors que d'un canon ordinaire. Dans son traité, il observe que ses règles et son expérience ont beaucoup plus d'effet que les procédés de ceux qui utilisent une infinité de brides « quand les plus beaux et principaux moyens de l'art leur manquent ». En France, à la suite de Pignatelli , les mors ne cessent de se simplifier en même temps que l'art perfectionne la recherche de la « légèreté ».

Deux grands écuyers, élèves de Pignatelli, vont marquer les débuts de l'équitation française : Salomon de La Broue et Antoine de Pluvinel. Ils prolongent les recherches italiennes dans l'art de libérer les mouvements du cheval de l'emprise des aides.

La difficile facilité

Premier écuyer français à publier un traité d'équitation, Salomon de La Broue apparaît comme un véritable chef d'école.

Appliqué autant au dressage des chevaux qu'à la formation de bons écuyers, il possède un jugement d'une extrême finesse sur le cœur humain et expose une équitation qui prolonge, développe et dépasse le modèle italien presque exclusivement destiné au dressage du cheval de guerre. La Broue introduit le terme italien de cavalerice pour désigner l'homme de l'art et le différencier de l'écuyer , homme de guerre. Il inaugure en France l'équitation académique, en appelle à la difficile facilité et au rejet de la contrainte et de la force :

« Une chose doit être estimée, qu'autant qu'elle est faite avec facilité. [...] Ce qu'on enseigne au cheval outre le manège de guerre n'est que pour une délectation particulière. Le fait de faire faire à un cheval ce qui n'est pas de sa nature est le fait de cavalerices qui ont besoin de se faire une réputation. Les autres peuvent paroistre autant sur un cheval facile »

Pour lui, le cavalier doit user d'une grande douceur et patience « afin de conserver, tant qu'il sera possible, le courage naturel et l'allégresse du jeune cheval , qui est l'une des notables considérations de cest art ».
Dans les Préceptes du Cavalerice françois (1593), La Broue définit les buts du dressage sur un mode que l'on peut comparer au « calme – en avant – droit » édicté par le général L'Hotte dans ses Questions équestres (1906) :

« La principale curiosité que doit avoir le cavalerice désireux de réduire par son art et sa diligence, le cheval en la perfection de ses plus beaux exercices, est de le rendre premièrement paisible et bon à la main : car de là faut que naisse la franchise et facilité de tous les beaux airs et manèges. » Ce que l'on peut traduire par « calme à la main – franc – léger ».

Chez lui, le concept de « légèreté » est associé à celui de « fixité ».

Faire aimer au cheval l'obéissance

Lorsque paraît le traité de La Broue , Antoine de Pluvinel fonde une académie à Paris, à l'emplacement de l'actuelle place des Pyramides. Elle est destinée à la jeune noblesse française afin de lui épargner le voyage d'Italie où elle laissait parfois la vie et souvent la fortune et la santé. Outre l'équitation, la danse et les armes, on enseignait aussi les mathématiques, la littérature, la poésie, la peinture et la musique.

Né à Crest en 1555, Pluvinel est envoyé tout enfant s'instruire en Italie sous la direction de Pignatelli. Ramené en France en 1572 par Sourdis, premier écuyer de Charles IX, il est nommé premier écuyer du duc d'Anjou, futur Henri III, qui devait le combler d'honneurs, de même que Henri IV, qui le maintient dans ses charges et bénéfi ces. À Louis XIII adolescent, il inculque les meilleurs préceptes pour réduire les chevaux en peu de temps à l'obéissance. Il meurt en 1620 sans avoir édité son œuvre. Une première édition incomplète, Le Maneige royal (1623), est suivie d'une deuxième édition augmentée, due à son ami et disciple Menou de Charnizay, sous le titre d'Instruction du Roy en l'Exercice de Monter à Cheval (1625), rédigée sous forme d'entretiens. Menou ose cette formule : « Obliger le cheval à prendre plaisir à tout ce qu'il fait jusqu'à ce qu'il y aille librement. »

On attribue généralement à Pluvinel l'invention du « pilier unique » et du « double pilier ».

Travail au pilier unique L INSTRUCTION DV ROY 1625

Courbette dans les piliers L INSTRUCTION DV ROY 1625

( Employé pour le débourrage, le pilier unique auquel on enroule la longe remplace l'homme à pied). Ce pilier sert ensuite à l'apprentissage des voltes rondes sur lesquelles le cheval peut chasser les hanches, puis à l'étude des sauts d'école. Les successeurs de Pluvinel reconnaissent rapidement les limites du travail au pilier unique. Ainsi, en 1682, Imbotti de Beaumont écrit dans son Ecuyer françois :

« On s'étonnera que je ne me sers point de la longe ou de la longue corde au tour d'un pilier, car je l'ai tout à fait bannie de mon Manège, par la raison que mon but est de rendre un cheval sujet à la main & aux talons. Par exemple, quand on croit qu'un cheval accoutumé avec la longe autour d'un pilier, aille terre à terre sans longe & sans chambrière, on se trompe, puisque le cheval n'est point dans la main et les talons, mais dans la corde & la chambrière où il va par routine. »


Cependant, au siècle suivant, La Guérinière envisage de faire acquérir au cheval par le travail à la longe, non seulement la première souplesse à l'allure du trot mais encore la première éducation à la main et aux jambes. Il termine cet apprentissage par un exercice qui prépare l'animal à la fameuse épaule en dedans ; d'un côté, la longe attire la tête du cheval en dedans et de l'autre, la chambrière repousse les hanches à l'extérieur. Et La Guérinière conclut sa progression par la recommandation de laisser toute liberté au cheval dès le début de son éducation afin qu'il n'entre que peu à peu dans la main : « Les premières leçons ne doivent avoir pour but, ni de faire la bouche, ni d'assurer la tête du cheval... »

Au-delà de l'enseignement de La Guérinière au manège des Tuileries, ce sont les écuyers de l'école de Versailles qui vont donner tout son développement au travail à la longe, tant pour la mise en selle du cavalier que pour l'instruction du cheval. Le double pilier, quant à lui, restera en usage à l'École de Versailles jusqu'à sa fermeture définitive en 1830 puis à l'École de cavalerie de Saumur de 1815 à 1972. Il est encore utilisé de nos jours à l'École nationale d'équitation.

L'École de Versailles et le manège des Tuileries

Sous l'influence du goût sévère qui domine le Grand Siècle, l'équitation française s'épure et participe du décor du règne. Lorsqu'en 1682, Louis XIV installe définitivement la Grande et la Petite Écurie à Versailles en face du château, trois écuyers dominent leur époque : du Vernet du Plessis, du Vernet de La Vallée et Antoine de Vendeuil . C'est par eux que commence à se fonder la célébrité du manège de Versailles.

Plan des écuries de Versailles

Plans de la grande et la petite écurie, 1679, par Jules Hardouin-Mansart.
Paris, Archives nationales.

Dans son Art de la cavalerie, Gaspard de Saunier décrit en ces termes la personnalité de du Plessis :

« Je me souviens qu'un des premiers seigneurs de France, conduisant son fi ls chez M. Duplessis , qui était alors à la tête de tous les célèbres écuyers que j'ai nommés, je me souviens, dis-je, que ce seigneur lui dit en l'abordant : "Je ne vous amène pas mon fils pour en faire un écuyer, mais je vous prie seulement de vouloir bien lui enseigner à bien accorder ses jambes et ses mains avec la pensée de ce qu'il voudra faire faire à son cheval." M. Duplessis lui répondit, devant moi qui avais l'honneur d'être alors un de ses disciples : "Monseigneur, il y a environ soixante ans que je travaille pour apprendre ce que vous me faites l'honneur de me dire ; et vous me demandez là précisément tout ce que j'ambitionne de savoir ." »

Louis XIV avait reconnu la valeur de du Plessis en lui confiant l'instruction équestre du dauphin.

La Gueriniere pastelFrançois de La Guérinière , tout en faisant l'éloge de Vendeuil, « son illustre maître », en appelle à la grâce et à la justesse de du Plessis et à la brillante exécution de La Vallée, frère du précédent. Il faut mentionner La Guérinière en raison de sa célébrité . En 1730, le prince Charles de Lorraine, Grand écuyer, lui donne la direction de l'ancien manège royal des Tuileries, abandonné depuis le transfert à Versailles des écuries du roi. Cette académie eut un grand renom.

Publiée en 1733, l'École de cavalerie marque une époque dans l'histoire de l'équitation. Tout semble viser à la grâce, et même y être sacrifié, tout dénote une équitation de présentation, une équitation de cour :

« La grâce est un si grand ornement pour un Cavalier et en même tems un si grand acheminement à la science, que tous ceux qui veulent devenir Hommes de cheval, doivent avant toutes choses, employer le tems nécessaire pour acquérir cette qualité. J'entends par grâce, un air d'aisance et de liberté , qu'il faut conserver dans une posture droite et libre, soit pour se tenir et s'affermir à Cheval, quand il le faut ; soit pour se relâcher à propos, en gardant autant qu'on le peut, dans tous les mouvemens que fait un Cheval, ce juste équilibre qui dépend du contre-poids du corps bien observé ; et que les mouvements du Cavalier soient si subtils, qu'ils servent plus à embellir son assiette, qu'à paroître aider son Cheval. »

Les planches ornant le livre présentent des cavaliers qui, sans être placés sur l'enfourchure, conservent le rein cambré et une position dans l'ensemble apprêtée et maniérée. C'est aux écuyers militaires qui viennent après et à d'Auvergne, le premier de tous, qu'il sera réservé de donner au cavalier une position complètement en rapport avec les lois naturelles.
Le procédé dont La Guérinière s'attribue la paternité est l'« épaule en dedans » : le cheval ayant été arrondi sur un cercle quitte ce cercle par une tangente et se déplace ensuite parallèlement à lui-même, tout en conservant l'inflexion latérale acquise sur le cercle .
La Guérinière accorde à cette leçon trois avantages : assouplir les épaules, préparer le cheval à se mettre sur les hanches et de le disposer à fuir les talons. Il indique qu'elle est inséparable de la « croupe au mur » qui en complète les effets. L'épaule en dedans ploie beaucoup dans le faux-ploiement, tandis que la croupe au mur ploie peu mais dans le juste pli.

deplacement epaule en dedans

Schéma de l’épaule en dedans. Général Decarpentry, Équitation académique,
Paris, éditions Henri Neveu, 1949.

la gueriniere ecole de cavalerie 1733 0136

L’épaule en dedans, par Charles
Parrocel. François de Robichon de la Guérinière,
École de cavalerie, Jacques Collombat, 1733.

Le deuxième procédé décrit par La Guérinière est la « descente de main ». Couronnement de l'emploi des aides à la française, elle apporte la preuve que le cheval peut se passer de leur secours, que sa posture et l'équilibre qui en découle sont stabilisés.
Le dressage du cheval repose ici sur l'inflexion latérale obtenue sur le cercle, perfectionnée dans l'épaule en dedans, et sur son application jusque dans les airs d'école issus du rassembler : le piaffer et le passage.
Cette inflexion contribue à donner au cheval une belle attitude, et le fait paraître plus assis sur les hanches parce que plus « étrécis » du derrière.

La recherche de la rectitude

Après La Guérinière , les écuyers de Versailles vont orienter leur travail sur l'obtention du cheval droit , du cheval dont les hanches se maintiennent d'elles-mêmes alignées sur les épaules. Montfaucon de Rogles écrit ainsi dans son Traité d'équitation (1778) qu'on ne peut asseoir un cheval avant de l'avoir mis droit au préalable. Une fois énoncé, ce principe allait devenir un des fondements, non seulement de l'équitation militaire de D'Auvergne , mais aussi de la nouvelle méthode de Baucher.

L'École des chevau-légers et l'École militaire de Paris

La seconde partie du XVIIIe siècle est une période de profonde mutation.

L'invention de la charge de cavalerie par Frédéric de Prusse modifie complètement l'emploi des chevaux et relègue au second plan les finesses du dressage que nécessitait le combat individuel. Les académies royales créées à la fi n du XVIe siècle sont gravement frappées lors de la création par Louis XV en 1756 de l'École militaire de Paris, à laquelle s'adjoint l'école militaire de La Flèche (1764-1776), puis dix écoles militaires secondaires (1776-1793). Ainsi s'édifie un enseignement militaire.

En 1744, pour réparer le désastre de la bataille de Dettingen, le duc de Chaulnes, aidé par le comte de Lubersac, institue à Versailles une école pour les Chevau-Légers. Lubersac et Montfaucon sont les premiers écuyers militaires. L'un et l'autre sont à l'origine écuyers ordinaires de la grande écurie, Lubersac avant de devenir écuyer en chef à la compagnie des Chevau-Légers, Montfaucon , après y avoir été son élève .

C'est d'Auvergne, disciple de l'un et de l'autre dans cette compagnie, qui instaure une équitation simplement utilitaire. En 1756, lorsque s'ouvrent les cours de l'École militaire, c'est lui qui est nommé écuyer en chef à vingt et un ans. Il devait occuper cette position tout le temps de l'existence de cette école, jusqu'à sa suppression en 1788.

D'Auvergne abandonne les assouplissements académiques pour adapter l'équitation aux seuls besoins des troupes à cheval. En même temps, il modifie la position du cavalier, militaire appelé à faire de longues chevauchées, qui doit rester naturelle et aisée. L'objectif de ce grand artiste est la recherche constante du cheval droit . Les manuscrits de D'Auvergne possèdent peu de développements mais plusieurs de ses élèves ont été les interprètes de ses principes : Boisdeffre, Bohan et Ducroc de Chabannes.

L'École de cavalerie de Saumur

Après la « tourmente révolutionnaire » et les guerres napoléoniennes, l'équitation simpliste des sabreurs de l'Empire se voit récusée.

ecole de cavalerie

L’École de cavalerie. Au premier plan on reconnaît une brigade
de dragons et, à l’arrière-plan, une brigade de chasseurs à cheval.

 

Louis XVIII rouvre l'École de Versailles et restaure l'équitation civile.

Le vicomte d'Abzac, qui avait servi sous Louis XVI, reprend du service comme premier écuyer ordinaire à l'âge de soixante-dix ans jusqu'à sa mort en 1827, à quatre-vingt-trois ans. Sous sa direction, la régularité et l'élégance de la position, la finesse des aides, la douceur dans l'emploi des moyens de domination caractérisent l'École de Versailles qui rejette tout ce que le bon goût réprouve. L'équitation militaire est réorganisée à Saumur par le transfert en 1815 de l'École d'instruction des troupes à cheval de Saint-Germain, et prend le nom d'École royale de cavalerie à partir de 1825.

Les principes d'équitation de D'Auvergne pénètrent à Saumur en 1815, défendus par Ducroc de Chabannes. Mais un désaccord s'installe entre lui et Cordier qui impose les principes de Versailles. On est redevable à Cordier d'avoir introduit à Saumur le travail des sauteurs en liberté et dans les piliers.

Bien que réservés à quelques élèves doués, ces sauts servirent peu à peu à l'instruction afin d'éprouver la solidité en selle des soldats. Pratiqués dans un contexte qui n'était pas le leur, ils prirent à partir de 1847 la forme particulière qui fait encore aujourd'hui la renommée du Cadre noir .

À la querelle des académistes face aux principes de D'Auvergne s'ajoute la pression des modernistes sensibles à tout ce qui vient d'Angleterre, aux courses et aux pur-sang. C'est ainsi que deux écuyers, Aubert et Rousselet, se présentent comme continuateurs des traditions, tandis que d'Aure et Baucher apparaissent comme chefs d'école.

Formé par le très classique Louis-Charles Pellier, Aubert (1783-1863) est un des derniers tenants de la tradition de Versailles et des principes de Dupaty de Clam. Son remarquable Traité raisonné d'équitation (1836) rend compte du dernier état de l'équitation « ancienne » . En 1842, fort de l'expérience acquise au manège Vincent, dit manège des Dames, il publie une Équitation des dames. Aubert a formé les amazones romantiques si délicieusement croquées par Alfred de Dreux.

La même année 1842 voit le triomphe de Baucher montant Géricault au cirque après seulement vingt-huit jours de dressage, tandis qu'Aubert publie une brochure où il exécute le bauchérisme avec une froide férocité et un raisonnement implacable.

Rousselet tient une place à part . Ancien officier de la Grande Armée, il avait sabré d'un bout de l'Europe à l'autre. On le disait aussi doux avec ses chevaux que bienveillant avec ses élèves. Nommé sous-écuyer à l'École d'instruction des troupes à cheval rétablie en 1814 à Saumur, il continua d'enseigner à l'École de cavalerie durant trente-cinq ans. Il ne put, selon les dires du général L'Hotte et malgré son extrême habileté de praticien, faire valoir les idées de son maître Chabannes.

portraits euyers

d'Aure

Le comte d’Aure sautant un fossé. Peinture de
Ledieu, vers 1835. Saumur, Musée du cheval.

D'Aure et l'équitation d'extérieur

Élève du vicomte d'Abzac , le comte d'Aure lui succède en 1827 à la tête de l'enseignement donné au manège du roi. À partir de la suppression de l'école de Versailles en 1830, il donne à l'équitation une direction plus conforme au goût de l'époque férue d'anglomanie, d'équitation d'extérieur et de chevaux de course anglais...

D'Aure envisage l'équitation autrement que La Guérinière et invente des procédés qui provoquent et maintiennent la franchise des allures, développent la vitesse et rendent le cheval « perçant24 ». Il se préoccupe de saut d'obstacle, de chasse et de course et s'adresse au plus grand nombre plutôt qu'aux écuyers. Cette simplification, qui vise des résultats rapides, se limite aux actes nécessaires à l'emploi habituel du cheval avec, cependant, des principes pour guide et non pas seulement l'expérience du cheval. Elle a été appelée « équitation instinctive régularisée ».

En 1847, d'Aure prend le commandement du manège de Saumur. En 1853, son Cours d'équitation, adopté officiellement, est enseigné à l'École de cavalerie et dans les corps de troupes à cheval. Il remplace le Cours d'équitation militaire de Cordier en vigueur depuis 1825.

Baucher , une nouvelle esthétique

D'Aure et Baucher ont dominé leur époque et replacé l'équitation sur le devant de la scène. Ils ont fanatisé leurs disciples et passionné leurs adversaires, chacun dans le domaine qui lui était particulier. L'équitation d'Aure est simple et facilement transmissible, mais elle reste bornée à l'équitation d'extérieur. L'équitation Baucher est artistique et présente des perspectives plus étendues. Pour d'Aure, le cheval se porte franchement en avant et « sur la main » à la pression des jambes, ce qui permet d'obtenir l'extension des allures. Pour Baucher :

« Le cheval se place derrière la main, tout en se grandissant, en même temps qu'il coule en avant des jambes ».

BAUCHER SOUVENIRS EQUESTRES 1840 0046

Géricault monté par François Baucher en uniforme militaire,
par Baucher, Souvenirs équestres. Lithographie, s.d.

François Baucher est né en 1796 à Versailles. À quatorze ans, il est emmené en Italie par un oncle qui dirige les écuries du prince Borghèse, époux de Pauline Bonaparte depuis 1803. Piqueur aux écuries du duc de Berri en 1816, on le retrouve en 1820 écuyer civil au Havre. Il prend également la direction de l'ancien manège de Franconi à Rouen. C'est à cette époque qu'il publie à Rouen son premier ouvrage, le Dictionnaire raisonné d'équitation (1833).

Il s'installe à Paris vers 1834 et s'associe avec Jules-Charles Pellier pour diriger le manège du Faubourg Saint-Martin. En 1837, il s'associe aussi avec Laurent Franconi , le spécialiste le plus expérimenté en matière de cirque, qui avait fait entrer la haute école sur la piste où l'on ne présentait jusqu'alors que du dressage en liberté, de la voltige ou des ballets équestres. Baucher entre dans la période la plus prestigieuse de sa carrière, au cours de laquelle il présente ses quatre plus célèbres chevaux, et notamment le fameux Partisan. De nombreux officiers pratiquent et même enseignent cette équitation dite « de la première manière ».

Cours de Jules Pelier

Cours de haute école par M. Jules Pellier, la demi-volte. Jules Pellier,
Le Langage équestre, Paris, Librairie Delagrave, 1889.

À partir de 1830, la vogue du cirque va croissant. Le bon ton veut que le « gentleman » qui a succédé au gentilhomme dans l'échelle sociale, se montre au cirque comme aux courses. Pendant quinze ans, à Paris, Berlin, Vienne, Milan et Venise, la valeur inégalée de la nouvelle méthode de Baucher lui permet de remporter d'éclatants succès.

En 1842, il publie sa Méthode d'équitation basée sur de nouveaux principes. C'est l'exposé de sa première manière. Bien qu'elle donne déjà des résultats qui émerveillent ses contemporains, elle est encore entachée de bien des imperfections.

Baucher se détourne de la pratique des « airs relevés » de l'équitation ancienne pour ne s'intéresser qu'à la stylisation des allures naturelles. Asseoir un cheval tel que le réclame la « pesade » est en contradiction avec les règles de sa nouvelle esthétique . Il demande seulement au rassembler de lui permettre de développer l'agilité du cheval en tous sens dans ses mouvements usuels.

Chef d'école vénéré par des disciples issus de tous les milieux et de toutes les professions, célèbre et protégé par le duc d'Orléans, il s'efforce de faire adopter sa méthode par une armée qui cherche à se réformer dans ce domaine. Mais la mort accidentelle du duc d'Orléans ruine ses espoirs. Sa méthode est interdite dans l'armée en 1845 et, deux ans plus tard, le comte d'Aure est nommé à la tête du manège de Saumur.

En 1855, le grand lustre qui surplombe la piste du cirque où il travaille seul se détache et le blesse grièvement. Il ne paraîtra plus en public mais élabore sa dernière manière. Il meurt en 1873.

De la première à la dernière manière

Les imperfections de la première manière n'échappent pas aux disciples les plus expérimentés de Baucher. Ils l'assagissent, l'amendent à leur façon et publient des méthodes dérivées de celles du maître. Toutefois, aux corrections de Baucher apportées par Raabe, Gerhardt, Wachter et autres, il faut préférer Baucher corrigé par Baucher , qui, après « quarante ans de travail, de recherche et de méditation » formule sa « deuxième manière ».

Les derniers enseignements de Baucher sont exposés par le général Faverot de Kerbrech dans le Dressage méthodique du cheval de selle... en 1891. Rien de plus clair, de plus ordonné et de plus achevé n'a été écrit sur le dressage. C'est la meilleure synthèse de l'apport de Baucher.

L'heure de gloire du bauchérisme est vraiment le Second Empire : l'empereur lui-même a chargé Baucher d'un cours et Faverot dresse les chevaux de l'empereur au palais de l'Alma, dernier véritable sanctuaire de l'équitation savante. Après 1870, le bauchérisme perd du terrain.

Le général L'Hotte, non content de proscrire l'équitation savante de l'École de Saumur, porte un coup sévère à la méthode en rédigeant lui-même, dans la plus pure orthodoxie d'Auriste, l'Instruction à cheval du Règlement de 1876 pour la cavalerie. Cependant, au XXe siècle, un autre écuyer , le capitaine Beudant , qui a servi sous les ordres de Faverot, a égalé la pureté de ses illustres devanciers.

Les fusionnistes

Baucher forme et inspire une pléiade d'écuyers de tout premier plan dont d'Aure lui-même sut reconnaître la valeur. D'Aure recommande le commandant Guérin pour lui succéder à la tête du manège de Saumur. Puis vient le tour du général L'Hotte et du commandant Dutilh, élèves à la fois de Baucher et d'Aure . Il fut longtemps de règle de penser que Guérin et Dutilh avaient amorcé la fusion des écoles d'Auriste et bauchériste. La lecture attentive de l'œuvre de Guérin, dans la pure orthodoxie bauchériste, l'exclut du groupe de ceux que l'on appelle les « fusionnistes ». La position du général L'Hotte n'est pas différente :

« Si le cavalier est assez habile pour atteindre le but qu'ambitionne l'équitation Baucher , c'est avec la plus grande facilité que sur le même cheval, il satisfera à toutes les exigences de l'équitation d'Aure, tandis que la réciproque ne saurait exister. »

Ses Questions équestres (1906) tiennent plus d'une étude comparative des deux écoles que d'une synthèse. La synthèse peut être plus facilement attribuée à Dutilh, écuyer en chef en 1874, à qui l'on doit l'invention de la descente d'encolure sous le nom équivoque de « descente de main ». Cette descente d'encolure comporte comme conséquence l'affaissement de l'encolure, la bouche courant après l'appui qui lui est enlevé. Le procédé de La Guérinière suppose au contraire que le cheval, quoiqu'on lui rende la main, continue son mouvement de lui-même.

Tirant les enseignements de la défaite de 1870, les hautes instances militaires prirent des dispositions pour que le successeur du général L'Hotte, le commandant de Lignières, un d'Auriste convaincu, oriente l'instruction de Saumur vers l'extérieur et le sport. À cette époque apparaissent les raids d'endurance qui préfigurent les grands mouvements de cavalerie des débuts de la Première Guerre mondiale. Mais dans le même temps, on s'achemine peu à peu vers la suppression du cheval des champs de bataille. C'est le sport qui sauve les chevaux de leur abandon progressif par l'armée.

Le saut en concours hippique, auquel l'équitation sportive est quasiment assimilée par le grand public, est une invention récente, à peine centenaire. Au début du XIXe siècle, après la chasse en terrain varié où les cavaliers franchissent des obstacles toujours naturels, les premières courses de steeple (le premier fut couru en 1810 à Bedford) infléchissent le goût équestre dans une direction nouvelle. Chez les militaires, la pratique du saut se développe de façon particulièrement importante.

La création de la Société hippique française en 1865 ouvre l'ère de l'équitation sportive. Le premier concours de l'histoire est donné l'année suivante à Paris au palais de l'Industrie. Afin de mettre en valeur les produits de l'élevage français, le Cadre noir conduit par le général L'Hotte y présente, pour la première fois en dehors de Saumur, la reprise de manège et celle des sauteurs en liberté .

À la fin du siècle, le capitaine italien Caprilli contribue à transformer l'équitation contemporaine. Il invente la monte en avant à l'obstacle, et la « méthode naturelle » qui laisse la libre disposition de son balancier tête-encolure au cheval, utilise la confiance réciproque et le laisser-faire.

En 1902, le premier championnat du cheval d'armes, ancêtre du concours complet est gagné par le capitaine de Saint-Phalle, et en 1912 à Stockholm, les trois disciplines équestres – dressage, concours hippique et military (futur concours complet) – figurent aux Jeux olympiques.

Dans le cadre de sa mission d'instruction militaire, le Cadre noir s'adonne à la pratique de la compétition et se distingue dans toutes les disciplines. Le colonel de Lignières, après avoir été écuyer en chef, parcourt plus de 400 kilomètres en 82 heures, et le lieutenant Madamet remporte le raid Bruxelles-Ostende (132 kilomètres en moins de 7 heures). Plus près de nous, en 1960, l'adjudant Guyon s'est vu attribuer la médaille d'or aux Jeux olympiques de Mexico, en 1970, le lieutenant Durand participe aux Jeux olympiques de Munich.

Plusieurs écuyers du Cadre noir seront aussi champions de France de dressage.

equitation sportive

Diversification sportive et recherche de bien-être et de liberté

Aujourd'hui, penser l'équitation en terme de sport n'est plus suffisant. L'évolution des comportements oriente vers les loisirs sportifs de nouveaux consommateurs dont le souhait est de faire du sport en s'amusant, sans long apprentissage et sans encadrement contraignant. Leurs aspirations ont peu de points communs avec les valeurs traditionnelles du sport liées à la performance, à l'effort et au dépassement de soi, et, dans le cas de l'équitation, dérivées des valeurs de la cavalerie. Jusqu'à l'après-guerre, la représentation olympique équestre était en majorité militaire. Si, avant 1920, le sport est un passe-temps marginal, souvent réservé à un milieu aisé, le sport équestre reste une émanation de la cavalerie. Il sert, non à sélectionner le meilleur cheval et le meilleur officier, mais plutôt à faire en sorte que chevaux et hommes s'entraînent régulièrement et soient prêts à tous moments à assumer les contraintes d'une offensive moderne. L'équitation recouvre alors différentes pratiques qui se retrouvent dans le milieu militaire comme dans les milieux aisés. Il est à noter l'interpénétration de ces deux mondes, les milieux aisés formant en grande majorité l'encadrement de la cavalerie.

Contrairement à d'autres pratiques, l'équitation n'a pas, en tant que sport, à chercher son identité sociale et culturelle. La création du système fédéral et des sociétés hippiques rurales permet de soutenir efficacement l'élevage face à l'abandon du cheval comme instrument de la victoire après la dernière épopée cavalière de la campagne d'Orient en septembre 1918 sous le commandant interallié du général, futur maréchal Franchet d'Espèrey. En 1919, le Cadre noir, chargé depuis 1815 de la formation équestre des cadres militaires à l'École de cavalerie de Saumur, est reconstitué sous les ordres du commandant Wattel. C'est lui qui donne à ce que l'on appelait alors le manège une nouvelle impulsion , moderne et sportive. Placé sous l'autorité de l'écuyer en chef, un centre de préparation aux épreuves internationales est créé en 1922. C'est à cette époque que le colonel Danloux, écuyer en chef de 1929 à 1933, s'inspire de l'équitation naturelle qu'il avait pu observer à Saumur avant la Grande Guerre lors d'une mission italienne, et la transforme en monte « à la Danloux », technique dont le commandant Licart a rendu compte dans ses traités.

Si la mécanisation de l'armée a condamné le cheval, le manque de moyens financiers a contribué à prolonger son utilisation jusqu'au milieu du XXe siècle pour les terrains d'opération inaccessibles aux véhicules motorisés. Bien qu'indispensables, les chevaux ne sont plus le centre de l'Arme. Néanmoins, après la Seconde Guerre mondiale, la compétition équestre reste un moyen de formation du cavalier militaire.
En 1962, le dernier régiment de spahis est dissous, mais c'est seulement en 1972 que le Cadre noir passe sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports. Le fédéralisme équestre s'est donc appuyé sur les références symboliques militaires tout autant que sur celles de l'olympisme pour institutionnaliser ses activités sportives selon des normes et des règlements qui privilégient la compétition. À titre d'exemple, c'est au général Decarpentry que nous sommes redevables du premier règlement des épreuves internationales de dressage en 1929.

L'univers du loisir sportif est aujourd'hui porté par la vague du free et du fun, de la recherche du bien-être et de la convivialité. Le free, c'est la liberté , le hors-piste. Le fun, c'est l'envie d'aller au-delà de ses propres limites, en prenant des risques mesurés dans un site sécurisé. Le wellness, c'est le bien-être, la vitalité douce, le sentiment que « l'on se fait du bien », que l'on agit pour sa forme et sa santé tout en prenant du plaisir et sans souffrir. La convivialité, elle, peut aller jusqu'au phénomène tribal.

Dans ce contexte, et parallèlement, les sports équestres qui se définissaient surtout par les trois disciplines olympiques multiplient les disciplines ou les récupèrent, Doma vaquera, équitation portugaise, voltige en ligne ou voltige en cercle, attelage, horse-ball, raid d'endurance, pony-games, etc.

Équitation fondamentale et authenticité.

Le sport actuel est un phénomène né avec la société industrielle du XIXe siècle. Depuis la dernière guerre, il s'est répandu dans le monde avec une telle fulgurance qu'il a pris de vitesse la démocratie libérale : s'il en est une caisse de résonance et en soutient les valeurs, il n'a pas manqué de servir à la propagande du socialisme totalitaire. Nous ne pourrions qu'applaudir à la mondialisation des pratiques si sa rentabilité à court terme, la victoire, ne portait en germe des ferments de normalisation. Nous voici désormais face à un œcuménisme flou, sensible à l'intérieur de toutes les grandes écoles d'équitation de l'ancienne Europe, comme il l'est dans l'interprétation de la musique classique qui nous donne à entendre partout le même son dans des interprétations moyennes que nous pouvons situer... au milieu de l'Atlantique !

L'esthétique de l'équitation française est-elle à retrouver ? L'expérience en a été tentée et a connu une première réussite avec Baucher , dont la dernière manière marque un retour au classicisme de Versailles, mais aussi un progrès. Elle prouve qu'il est possible d'éviter la pratique d'une équitation de musée, car le dépoussiérage des chefs-d'œuvre du passé n'est qu'un dérisoire substitut à la dynamique créatrice. Aujourd'hui, le choix entre progressisme et tradition est dépassé. Quand nous désespérons du progrès et de la culture, il faut redécouvrir en nous des lois « naturelles », redonner un sens au geste équestre dans la recherche des universaux, de ce que nous pourrions appeler, selon le programme de René Bacharach , « le bien commun des équitations qui veulent le bien-être du cheval ». Guidés par la riche érudition de l'art équestre, nous pouvons espérer accéder à une nouvelle authenticité française.

En ces années charnières du XXIe siècle, deux tendances semblent se manifester : la création d'un immense marché composé de consommateurs au niveau culturel standardisé, permettant entre autres la normalisation des produits, et l'enrichissement intellectuel provoqué par l'instantanéité de la communication et de la navigation culturelle. Un des objectifs de ce travail sera atteint si une prise de conscience pouvait intervenir sur le fait qu'il n'est possible ni de se réfugier dans une prétendue authenticité passée, ni dans une modernité qui s'identifierait aux activités de loisir.

Le projet si séduisant de restaurer une équitation, stupidement qualifiée et pour des raisons mercantiles, de « baroque » dans les bâtiments de la grande écurie à Versailles s'est heurté à ce que l'École de Versailles est plus représentative d'une civilisation que d'une pratique. L'environnement, l'ambiance, la société d'alors ont disparu et avec eux le creuset, on pourrait dire la « niche écologique » d'où elle a émergé. L'histoire, qui est un continuum, ne se rejoue pas, et dans les rétrospectives moins que partout ailleurs. Son abandon au profit d'une entreprise de spectacle est révélateur d'un changement de perspective culturelle.

Manege de Versailles

Vue intérieure du manège de Versailles en 1826, Aubert, Atlas du traité raisonné
d’équitation selon les principes de l’école française,
Paris, Anselin et Gauthier-Laguionie, 1836.

En 1903, dans l'avant-propos de son livre À la française, le général de Lagarenne, qui publie des morceaux choisis de La Guérinière , indique ce qui peut servir de lien entre les anciennes et nouvelles méthodes ou avec nous-mêmes, car s'il y a bien quelque chose à réhabiliter, c'est à l'intérieur de nous qu'il faut aller chercher :

« [...] le cavalier qui s'astreindrait à suivre pas à pas dans le dressage d'un jeune cheval les préceptes de l'École de cavalerie, ne courrait aucun risque de s'égarer et obtiendrait en fi n de compte d'excellents résultats ? Hâtons-nous de dire qu'une telle expérience serait une fantaisie de dilettante, et que, dans la pratique, ce serait une faute que de se priver volontairement du secours précieux des procédés plus savants ou plus perfectionnés que nous offrent les méthodes nouvelles ; mais ces méthodes mêmes, quelles qu'elles soient, seront appliquées avec d'autant plus de discernement, avec d'autant plus de fruit, que l'on possédera mieux la doctrine classique qui leur a servi de base ».

RÉNOVATION ET ENTRETIEN DE LA TOMBE D'ETIENNE BEUDANT

tombe d' Etienne Beudant

On participe

Un nouveau livre de Patrice Franchet d'Espèrey


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